Dans la lumière du prestigieux Festival de Cannes, Romane Bohringer a présenté son nouveau film « Dites-lui que je l’aime », une œuvre profondément personnelle qui explore les blessures familiales et les ravages de l’alcool. Cette réalisation, adaptée du livre de Clémentine Autain sur sa mère Dominique Laffin, résonne particulièrement avec le vécu de l’actrice-réalisatrice, marquée elle-même par l’abandon maternel et les démons de l’alcoolisme dans son entourage proche.
Un film comme miroir de blessures intimes
Le long-métrage de Romane Bohringer va bien au-delà d’une simple adaptation littéraire. En portant à l’écran l’histoire de Clémentine Autain, elle explore en filigrane sa propre relation avec Marguerite Bourry, sa mère qui l’a abandonnée.
Cette œuvre cinématographique devient ainsi un espace où la réalisatrice confronte ses fantômes personnels, établissant un dialogue silencieux avec son passé douloureux. L’absence maternelle et ses conséquences psychologiques forment la toile de fond d’une réflexion plus large sur la transmission et la résilience.
L’alcool, un ennemi intime
Dans ses confidences à La Conversation, Romane Bohringer a évoqué sans détour comment l’alcoolisme avait marqué son existence.
« L’alcool est mon ennemi dans la vie. J’ai une grande tristesse quand je vois des gens s’y égarer. Je voulais aussi faire un film sur l’alcool. Alors c’est effleuré, ce n’est pas tout le film, mais c’est quelque chose dont j’ai souffert. Et l’enfant est mis dans une situation de vulnérabilité épouvantable parce qu’il sent plus que tout autre que les choses peuvent tout d’un coup vraiment se défaire et rien n’est stable. Rien n’est sécurisant et moi, j’ai beaucoup vécu ça. »
Ces mots traduisent l’insécurité profonde ressentie par l’enfant face à un parent en proie à l’addiction, une vulnérabilité qui laisse des traces indélébiles dans la construction identitaire.
Une histoire familiale marquée par les excès
La relation de Romane Bohringer avec l’alcool s’inscrit dans une histoire familiale plus large, où son père, Richard Bohringer, a lui-même lutté contre ses démons.
Les démons de Richard Bohringer
Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, Richard Bohringer avait livré un témoignage brut sur ses propres excès: « Ma vie, je l’ai brûlée souvent. Elle m’a cramé. »
Cette confession paternelle illustre le parcours chaotique d’un homme qui a longtemps flirté avec l’autodestruction, laissant des empreintes profondes dans la vie de sa fille.
Le cercle des excès
L’environnement dans lequel a évolué Romane Bohringer était imprégné de ces comportements autodestructeurs. Jacques Dutronc, figure emblématique de la chanson française, évoquait en 2019 dans Le Figaro la démesure qui régnait: « Ça avait pris des proportions énormes : on faisait des concours de gamma-GT avec Richard Bohringer. »
Cette culture de l’excès normalisé a constitué la toile de fond de l’enfance et de la jeunesse de la réalisatrice, forgeant sa perception des relations humaines et son rapport au monde.
De la souffrance à la création artistique
Face à ces épreuves personnelles, Romane Bohringer a choisi la voie de l’expression artistique pour transformer sa douleur en œuvre créative.
L’expérience avec Philippe Rebbot
L’histoire personnelle de Romane Bohringer avec l’alcoolisme ne s’arrête pas à son enfance. Son ex-mari, Philippe Rebbot, a également traversé cette épreuve avant de parvenir à s’en libérer.
Dans sa série autobiographique « L’amour flou », elle a choisi d’aborder ce sujet délicat avec une sensibilité remarquable, refusant tout sensationnalisme facile.
Une approche respectueuse de la souffrance
Dans les colonnes de Télérama, elle expliquait sa démarche artistique face à ce sujet sensible: « Fallait-il, par exemple, parler de son rapport à l’alcool ? Au départ, je ne voulais pas du tout. Et puis ça c’est imposé à nous, dans une logique de sincérité, et de raconter quel homme, quel père il est vraiment. Vu qu’il ne s’agissait pas non plus de s’apesantir dessus, ça apparaît au détour d’une séquence avec un addictologue, et Philippe y dit des choses très belles. Les sujets sérieux, nous nous sommes efforcés de les traiter sans jamais sombrer dans la gravité. »
Cette approche témoigne d’une maturité artistique où la vérité n’exclut pas la délicatesse, où l’authenticité peut s’exprimer sans complaisance ni cruauté.
« Dites-lui que je l’aime » s’inscrit ainsi dans une démarche plus large de Romane Bohringer, utilisant le cinéma comme un outil d’exploration des zones d’ombre familiales, transformant les blessures personnelles en une œuvre universelle sur la résilience.